Joseph Habyarimana alias Gitera est un des hommes qui ont marqué l’histoire du Rwanda.

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Joseph Habyarimana alias Gitera est un des hommes qui ont marqué l’histoire du Rwanda. Il fut à l’avant-garde dans la lutte contre le pouvoir féodo-monarchique qui régnait sur le Rwanda depuis des millénaires
Gitera, Joseph Habyarimana alias Gitera

Il fallait un courage exceptionnel, une combattivité hors du commun pour mettre en question un régime séculaire dans lequel le roi avait droit de vie et de mort sur ses sujets. Il n’a pas lésiné sur les moyens pour défendre les droits de ceux qu’il appelait le « menu peuple », c’est-à-dire tous ceux qui étaient lésés par le système féodal en vigueur.

Né à Save (Butare), une des premières missions catholiques du Rwanda, il entre au Grand Séminaire de Nyakibanda et est déjà confronté à une ségrégation qui lui fait prendre conscience du problème dont il va se saisir, à bras le corps, pour le dénoncer haut et fort. C’est ainsi qu’il fut l’un des signataires, le 24 mars 1957, d’une « Note sur l'aspect social du problème racial indigène au Rwanda » adressée au Vice-Gouverneur Général du Congo belge et du Ruanda-Urundi. Ce texte est connu dans l’histoire sous le nom de « Manifeste des Bahutu ». Les signataires « protestaient contre le monopole des Batutsi dans les domaines politique, économique, et social, et réclamaient du Gouvernement l’émancipation des Bahutu sur tous ces plans »[Kagame, 1975 :237].  

Après la publication du « Manifeste des Bahutu », le pouvoir lâcha du lest. Trois hutu (sur 30 Tutsi) dont Gitera, furent admis par cooptation au Conseil Supérieur du pays. Une commission paritaire hutu-tutsi de dix membres (10 Tutsi et 10 Hutu signataires du Manifeste) fut mise sur pied pour débattre du problème Hutu-Tutsi. Les débats de la session du 9 au 12 juin 1958 ayant à l’ordre du jour la « question sociale Muhutu-Mututsi » furent houleux. Alors que les Tutsi voulaient dénier au groupe hutu leur qualité de représentant de ce groupe, Gitera, entre autres, prit la parole pour défendre le mandat de la délégation qui en définitive se fit écouter devant la hargne du groupe de féodaux.

Gitera participa à tous les combats. Alors que le Conseil Supérieur du Pays (une sorte de Parlement) avait proposé sournoisement une forte réduction du budget de l'enseignement primaire, Gitera fut vigilant et s'y opposa énergiquement. L’idée cachée par cette résolution était de maintenir les Hutu dans l’analphabétisme car ce sont eux qui profitaient de cet enseignement, le seul auquel ils pouvaient avoir accès. 

Le 1er novembre 1957, Gitera créa APROSOMA (Association pour la Promotion Sociale de la Masse). Elle deviendra parti politique le 15 février 1959. L’APROSOMA était un parti régional. Il n’avait pratiquement d’adhérents que dans le Territoire d’Astrida (Butare) et de Cyangugu. Ce parti était pour les principes démocratiques. Il n’était pas opposé au système monarchique. Il était pour un roi constitutionnel. C’est ainsi que Gitera envoya, le 5 août 1959, une lettre de soutien au Roi Kigeri qui venait d’être intronisé. Il croyait, à tort, en la volonté de ce jeune monarque pour opérer des changements politiques. De fait, son prédécesseur, le Roi Mutara III refusait aussi de reconnaître la réalité du problème Hutu-Tutsi et s’était opposé violemment aux revendications des Bahutu dans le Conseil Supérieur du Pays.  

Pour se faire entendre, Gitera fonda un journal, « Ijwi lya Rubanda Rugufi=La Voix du menu Peuple » autorisé par Ordonnance du 19 mai 1958 du Gouverneur Général. Paraissant sur des polycopies, les articles du journal avaient un ton dur, « parfois outranciers », ses « propos trop hardis » [Kagame : idem]. Cela va lui causer des ennuis de façon que lors des troubles de novembre 1959, le roi et les leaders du parti UNAR (Union Nationale Rwandaise) vont le pourchasser. Il n’a eu la vie sauve que grâce aux amis qui l’ont cachés pour échapper à ses tueurs. La plupart de ceux qui furent étiquetés comme « abaprosoma » (leaders ou membres du parti Aprosoma) furent tués atrocement par des envoyés du Roi [voir : Jean-R Hubert, 1965 :35-37].

Durant l’année 1960, Gitera va modifier la dénomination de son parti en APROSOMA-UHURU (Union des Hutu du Rwanda et du Burundi) puis en APROSOMA=UNAFREUROP-NKUNDABERA (Union Afro-Européenne - J’aime les Blancs) et APROSOMA=Rwanda-Union en 1961, qui voulait faire une alliance ave l’UNAR. Il alla de ce fait rencontrer le Roi Kigeri qui était en exil. Même si son idéal était de ratisser large pour inclure toutes les composantes de la société Gitera dans son fiefrwandaise, y compris les Européens vivant dans le pays, la conséquence est que ces nombreux changements de noms du Parti vont désorienter ses adhérents et miner sa carrière politique. Ainsi le 28 janvier 1961, dans le Congrès de Gitarama, il se présenta comme candidat et ne fut pas élu comme Président. Son option de « monarchie constitutionnelle » lui fut fatale car la majorité du Congrès était pour la République. Il fut désigné Président de l’Assemblée Nationale. Son franc parler ne lui facilita pas la tâche de cohabitation avec les leaders du PARMEHUTU qui avaient gagné les élections qui ont suivi. Il se retira et s’établit comme un entrepreneur indépendant dans son fief de Butare.

En 1973, Habyarimana Juvénal prit le pouvoir par un Coup d’Etat. Lors de sa visite à Butare en 1974, Gitera mettra en doute sa politique de paix et d’unité nationale. Il lui demanda de mettre ses observations par écrit et de les lui transmettre. Gitera rédigea le document et le distribua partout avant qu’il n’arrive à son destinataire.

Gitera mourra chez lui à Save dans l’oubli le plus total

 

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